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Quand la gouvernance d’entreprise change en même temps que la société
04 JANVIER 2019
Dans son dernier livre, Pierre-Yves Gomez, directeur de l’Institut français de gouvernement des entreprises, définit la gouvernance d’entreprise comme « un ensemble de dispositions légales, réglementaires ou pratiques qui délimitent l’étendue du pouvoir et des responsabilités de ceux qui sont chargés d’orienter durablement l’entreprise. » Mais surtout, elle suppose d’« être légitime pour assurer les choix stratégiques. » Une légitimité qui n’a cessé d’évoluer en parallèle de la société. Cadre juridique, nouveaux usages, si difficile parité : la conférence « Gouvernance d’entreprise : après 20 ans de transformation, de nouveaux enjeux », organisée au campus parisien d’emlyon business school, le 13 décembre 2018 (replay de la conférence), a mis en lumière ces transformations de la prise de décisions au plus haut niveau des organisations. Explications
Distinguer le rôle du conseil d’administration et de la direction générale
Si le conseil d’administration (CA) est la tête pensante d’une entreprise, le comité de direction serait ses mains pour mettre en œuvre de sa stratégie. Une juste répartition des tâches est ainsi le secret d’une structure en bonne santé et d’une information qui circule. In fine, le CA interviendra seulement sur le choix de la stratégie et le contrôle des résultats. La gestion opérationnelle de l’entreprise peut être orchestrée autour d’un directoire et d’un DG. Si le DG n’est autre que le Président du conseil, il pourra prendre le titre de Président-directeur général, le fameux « PDG ». « Ici, la confiance et la transparence sont fondamentales, partage Frédéric Oudea, DG de la Société Générale. Si l’administrateur doit connaître la stratégie de l’entreprise sur le bout des doigts, il doit éviter l’écueil de se substituer au manager, « de ‘faire à la place de’ ou de court-circuiter la Direction générale ».
Administrateur externe : le spécialiste de service ?
Cela ne doit pas l’empêcher de s’impliquer au maximum. « Pour prendre part au business stratégique, il ne faut pas avoir de scrupules à poser des questions, à évaluer le conseil, à s’investir, à recueillir les feedbacks… ce qui est essentiel pour grandir et se former », note Frédéric Oudea. Avec un bémol : ne pas tomber dans le rôle exclusif du « spécialiste », d’une compétence ou d’un marché, qui limiterait sa progression au sein de l’entreprise. « C’est un formidable exercice intellectuel ! s’enthousiasme Justine Ryst, southern Europe content partnerships director chez YouTube, qui suite à sa certification au programme « Objectif Administratrice », a intégré le conseil d’administration de la Compagnie du Mont Blanc. N’ayez pas peur d’aller sur un terrain qui n’est pas le votre, d’avoir un regard neuf, cela peut être un vrai atout ! »
Des conseils en quête de féminisation
Une remarque qui fait écho aux parcours des femmes au sein des postes à haute fonction . La plupart souffrent trop souvent du complexe de l’imposteur. Alors le succès dépend-il seulement de la capacité des femmes à se saisir des opportunités qui se présentent à elles ? Le débat fait rage et les stéréotypes ont la vie dure : les femmes représentent seulement 15% des effectifs des comités exécutifs des 120 plus grosses entreprises françaises. Seules Sophie Bellon, présidente du Conseil d’administration de Sodexo et Isabelle Kocher, DG d’Engie ont des postes au plus haut niveau dans le CAC 40, qui compte toujours 100% de PDG hommes. « Les hommes naissent administrateurs, les femmes se forment ! plaisante Marie-Jo Zimmermann, ancienne député et co-auteur de la loi Copé Zimmermann. Beaucoup reste donc encore à faire pour que le genre ne détermine plus la trajectoire d’une carrière.
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La législation évolue, l’entreprise s’adapte
Pourtant le législateur est intervenu sur la question pour lever les freins. En janvier 2011, la loi Copé-Zimmermann tente d’ouvrir la voie en instaurant un principe relatif « à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle ».Concrètement, après un palier de 20% en 2014, la loi incite depuis 2017, à recruter des administrateurs du sexe le moins représenté à hauteur de 40% des effectifs pour une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance des entreprises. Une accélération du processus qui nécessite des formations parfois spécifiques aux femmes, à l’image du programme Objectif Administratrice. Associant emlyon business school et HeR value, cette formation pour encourager les femmes à devenir « actrice de la gouvernance » vient de fêter sa 15e promotion.
Autre sujet où le législateur a joué un rôle déterminant : la loi de 1987 sur la représentation des travailleurs dans les conseils d’administration. Elle vise à mieux associer les salariés dans les conseils pour favoriser une meilleure représentativité de toutes les parties prenantes de l’entreprise. La loi autorise ainsi les syndicats à désigner parmi les collaborateurs deux membres titulaires et deux membres suppléants au CA des entreprises d’au moins 25 salariés.
Une prise de décision basée sur une réflexion collégiale
Plus la structure de l’entreprise est importante plus le cadre réglementaire est conséquent et les parties prenantes nombreuses. Aussi, le CA peut faire le choix de s’appuyer sur la création de comités pour faciliter sa prise de décision. « Un comité ne fait qu’instruire, il ne décide pas. Il instruit et soumet sa réflexion au CA », précise Frédéric Oudea. De nombreuses recommandations sont émises à ce sujet par l’Association française des entreprises privées (AFEP) et le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) au sein d’un rapport annuel commun. Les plus prioritaires ? Les comités d’audit, de nominations et de rémunérations. A noter que la période est propice à la création de comités dédiés à la technologique, au digital ou à l’environnement pour faire face aux enjeux de demain.
Évolution de la gouvernance dans le temps
Il ne faut pas croire qu’un conseil d’administration est complètement déconnecté de la société. Au contraire. « L’évolution de l’entreprise et du CA est le miroir de notre société », estime Pierre-Yves Gomez, qui dégage trois grandes phases de transformation, en reprenant l’exemple du CA de la Société Générale. Avant les années 90, l’idée même d’administrateur indépendant n’était pas une option : « Il était alors impensable qu’une personne non-actionnaire porte un jugement sur la stratégie. » Le CA est alors composé à 74% de l’exécutif de l’entreprise ! Avec seulement 1% d’administrateurs externes indépendants et 4% de salariés, l’entreprise est un alors espace fermé. Un état qui va être remis en cause à partir de 1985, suite à la financiarisation et à la globalisation de l’économie.
A partir de 1990, « L’international rentre au cœur de l’entreprise. » L’expertise financière se développe : « Pour devenir directeur général, il faut alors être financier ». La structure du CA commence à s’ouvrir : la part d’administrateurs externes indépendants explose à 46% et les salariés doublent leur présence en passant à 9% des effectifs. Depuis 2010, la digitalisation accrue de l’économie trouve son prolongement dans la création de CA bien plus équilibrés. On compte désormais environ 30% d’administrateurs externes indépendants, 15% de représentants des parties prenantes, 30% de membres exécutifs et 25% de salariés. Mais attention toutefois… Cette part importante des administrateurs représente néanmoins un risque si l’administrateur est trop déconnecté de l’exécutif. La gouvernance, c’est le mouvement perpétuel !
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