La donnée, un patrimoine à valoriser en entreprise

17 AVRIL 2020

Considérée comme le nouvel or noir des entreprises, la data n’apparaît pourtant pas dans les bilans financiers. Contrairement aux stocks, matières premières ou bâtiments, elle n’est pas valorisée. Comment estimer sa valeur et en faire un objet comptable et financier ? Éléments de réponse avec Clément Levallois, professeur associé emlyon business school.

Clément Levallois

Les entreprises sont-elles conscientes du potentiel des données ?

Clément Levallois : Globalement, oui. Mais pour les entreprises, valoriser ce potentiel dans leur reporting financier est une idée novatrice. Elles sont habituées à valoriser leurs marques, leurs logiciels, voire leur site internet. Mais pas leurs datas. Même dans l’univers du digital, elles n’ont pas de référentiel reconnu sur lequel s’appuyer pour une mesure financière de la donnée. Elles s’intéressent à la mesure métier, à l’amélioration de la productivité que la donnée permet en interne. Elles s’intéressent également à la « monétisation directe » de la donnée, c'est à dire la génération de revenus par la vente de données ou de produits basés sur les données. Le problème est que la data endosse des formes diverses, ce qui rend son appréhension difficile par les textes réglementaires ou le Plan comptable général.

Pourquoi est-ce un problème ?

Car, pour certaines entreprises, la donnée est au cœur de leur activité et elle n’est que rarement comptabilisée. Cela signifie qu’en cas de revente ou de transmission, la donnée vaut zéro. Elle n’apparait pas dans le rapport financier ce qui rend ce document en partie faux puisqu’il ne reflète pas la véritable richesse de l’entreprise. Les investisseurs ont besoin d’avoir une vision globale des facteurs contribuant au cycle d’exploitation dans la société, les dirigeants ont besoin de pouvoir piloter cette ressource au même titre que tous les autres éléments de l’actif de l’entreprise.

Ces données sont pourtant prises en compte par les investisseurs, il suffit d’observer les montants de levées de fonds ou la valeur des actions de certaines sociétés qui utilisent les datas…

C’est vrai, les datas peuvent être prises en compte lors de levées de fonds ou d’entrées en bourse par exemple. Mais c’est ponctuel, ce n’est pas la norme. Dans la vie quotidienne de l’entreprise, c’est-à-dire dans son bilan comptable en tant qu’actifs, elles n’apparaissent pas. Ou alors comme une charge au compte de résultat, ce qui n’est pas très parlant : la donnée est alors représentée comme un coût ! On se retrouve alors avec des valeurs boursières décorrélées des bilans comptables car les investisseurs se renseignent autrement, attribuent une cotation arbitraire aux données. Et la comptabilité semble perdre une partie de sa pertinence. Il faut donc essayer de trouver des mesures et des normes.

Quelle méthodologie préconisez-vous ?

Nous travaillons, à travers la Chaire implid sur le Patrimoine digital de l’entreprise, sur une méthode de valorisation des données en nous appuyant sur les textes existants. Nous regardons quels types de données pourraient s’insérer dans les normes comptables actuelles et être considérés comme un actif immatériel, à quelles conditions. Si l’inscription au bilan n’est pas propice, nous regardons aussi comment la valeur de la donnée pourrait être reflétée, dans d’autres documents.

Les données sont très hétérogènes. Quelles sont celles qui sont valorisables ?

Nous recommandons de considérer avec grande prudence les données personnelles. Leur contrôle par l’entreprise, condition importante de la valorisation, sera a priori difficile à établir. Les données valorisables doivent être clairement identifiables, localisables. L’entreprise doit démontrer qu’elle en a le contrôle, qu’elle est en capacité de les vendre, de les protéger, de les mettre sous licence… Et montrer la valeur future du jeu de données : est-ce qu’il y a un marché pour ces informations ? Quelle est leur utilité interne ? 
Enfin, il faut évaluer les coûts liés à la production et le maintien de ces données dans le temps.

Finalement, la valorisation de la donnée est loin d’être évidente ?

Oui, il y a un fantasme à faire tomber autour des données, qui seraient en elles-mêmes des « mines d’or » (ou des champs de pétrole) d’une grande valeur, comme un gisement. Pour les valoriser, il faut connaître les règles comptables susceptibles de s’appliquer, puis mettre en place un véritable contrôle de gestion des données et une organisation autour. Leur valeur doit ainsi être traçable dans le quotidien de l’entreprise.

Comment accompagner les entreprises qui sont concernées sur ce sujet ?

Nous avons créé un Certificat emlyon business school dédié à la valorisation des données. Il s’adresse aux directions financières, aux directeurs de la transformation digitale ainsi qu’aux professions juridiques, spécialistes de la propriété intellectuelle car la data devient un actif à protéger et valoriser, au même titre qu’un brevet ou un logiciel. À l’issue des six jours de formation, ces professionnels pourront préconiser la mise en place d’une organisation dédiée à la valorisation des données dans les entreprises.

Certificat Gestion et valorisation de la donnée emlyon business school

Le programme est organisé autour de trois blocs de deux jours chacun, qui permettent aux participants d’aborder les différents angles de la valorisation des données et d’aboutir à une méthode raisonnée de formulation et déploiement d’une stratégie de valorisation de la donnée en entreprise.

Vous souhaitez en savoir plus sur le certificat Gestion et valorisation de la donnée, contactez :

Virginie Meyer-Lafont - Conseillère en formation // 04 72 18 68 73 // meyer-lafont@eml-executive.com