La classe du futur, l’innovation pédagogique par l’espace

18 FÉVRIER 2019

Modulables et connectés, les nouveaux espaces de travail n’ont plus qu’une lointaine ressemblance avec l’amphithéâtre ou la salle de classe aux tables soigneusement alignées.

Repensés pour encourager le travail collaboratif, faciliter la concentration ou encore stimuler la créativité, ils sont la traduction concrète d’une réflexion plus globale sur l’avenir de l’enseignement et de la formation. Zoom sur des expérimentations qui changent aussi bien le rôle des enseignants que les méthodes d’apprentissage. 

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Bousculer les habitudes pédagogiques

Grâce à la digitalisation du savoir et la diffusion grandissante des MOOCS ou des tutoriels Youtube, les connaissances sont désormais accessibles à tous. Un établissement d’enseignement change donc de vocation : ce n’est plus nécessairement l’endroit où l’on va chercher le savoir, mais celui où l’on va apprendre à utiliser ou en mettre en pratique ce savoir. Si l’enjeu devient pour un apprenant de mettre son intelligence au service du collectif, les enseignants ont un rôle fondamental à jouer pour initier les démarches, donner les clés d’accès au savoir et conduire les projets pour faire émerger cette capacité de travailler ensemble. Si les amphithéâtres ou les salles traditionnelles sont encore utiles pour produire un savoir « descendant », leur réinvention est nécessaire. « Dans la vie professionnelle, 10% de son savoir vient des cours, 20% des interactions sociales et 70% de sa propre expérience : les échanges représentent 90% du savoir utile : bousculer l’architecture des espaces de travail permet de travailler sur ces ‘90%’ » explique Stéphane Parisot, responsable de l’innovation à emlyon business school.

La modularité au service du travail de groupe

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Première évidence pour encourager la coopération : sortir de l’organisation rigide de l’espace de travail et développer la modularité. Fini, les tableaux fixés au mur : ils sont désormais posés sur roulette, tout comme les tables, pour permettre leur réorganisation plus rapide. Une expérimentation tentée avec succès au Silex, lieu de travail expérimental d’emlyon business school, où sont testées de nouvelles configurations susceptibles de définir le futur campus de Lyon-Gerland prévu pour 2022. 

Ici, l’ensemble du mobilier est flexible et peut donc être modulé en fonction des événements (cours, ateliers, formations…). « Nous créons au Silex de nouvelles postures de travail, explique Stéphane Parisot, qui vont conditionner les interactions entre étudiant, manager ou enseignant. » Enlever les tables dans un atelier, permettre à chacun de s’installer où il veut ou créer des îlots de coopération (comme cela peut se faire aussi à l’école primaire !) va libérer la créativité et permettre le travail en petit groupe, et donc favoriser l’apprentissage par les pairs et par le « faire ».

Charge ensuite à l’enseignant de naviguer entre ces groupes et d’animer les projets. Cette modularité des espaces permet tout autant d’effacer des « frontières naturelles », notamment entre apprenants, enseignants et professionnels. Le maître-mot : confort et liberté, pour encourager le bien-être cérébral.

 

L’écran « total » a ses limites

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Si l’écran numérique et interactif tend à remplacer les traditionnels tableaux noirs, tout miser sur une architecture connectée et multiplier les outils numériques peut se révéler improductif. « Dans certains cas, écrire au tableau facilite la mémorisation » tempère Stéphane Parisot. Dans un espace de travail repensé et optimisé, il faut donc créer un mix entre écrans connectés, tableaux traditionnels ou encore murs d’expressions pour qu’enseignants et apprenants aient le choix. A chaque scénario pédagogique, (cours, ateliers de projets, séances créatives…), chacun doit avoir accès à la solution la plus appropriée.

La créativité peut naître de l’incongruité…

Sortir d’une salle de classe ou de réunion classiques peut parfois avoir des effets inattendus. Au Silex, une pièce a été volontairement meublée comme une classe d’école primaire, sauf qu’elle n’accueille que des ateliers créatifs et des séminaires. « J’y ai organisé une journée de rencontre entre des membres du COMEX de Volvo et leurs managers locaux », se souvient ainsi Stéphane Parisot, qui a constaté une augmentation des interactions et des échanges plus ouverts que d’habitude. En replaçant chaque participant dans une posture enfantine, l’aménagement intérieur inhabituel a effacé les peurs naturelles, comme pour effacer leur surmoi adulte.

L’empire des sens : repenser l’environnement pédagogique par les neurosciences

Tout autant que l’architecture d’une pièce, de nombreuses recherches ont démontré le lien entre perceptions sensorielles et fonctionnement cognitif. Couleur, odeur ou environnement sonore doivent donc être intégrés à la réflexion sur les nouveaux espaces éducatifs pour optimiser l’apprentissage, la concentration ou le potentiel créatif de chacun.

Une classe sans bruit ?

Première piste de réflexion : l’acoustique. Les nuisances sonores répétées fatiguent le cerveau, alors que 9 Français sur 10 se disent exposés à un bruit excessif. C’est d’autant plus vrai dans le cas d’un cours ou d’une réunion de plus de 2h — alors que justement une bonne écoute est nécessaire à la bonne compréhension d’un message. Pour réduire le bruit ambiant, la première réponse est évidemment d’encourager l’isolation sonore des espaces de travail ou de favoriser les matériaux absorbants pour diminuer la réverbération. Mais ce n’est pas suffisant. Au Silex, « nous testons du matériel acoustique capable de diminuer artificiellement certaines basses fréquences » explique Stéphane Parisot, qui a constaté une légère différence de fatigue cérébrale. De la mê

me manière, le Silex a conçu un espace de réunion cylindrique, isolé acoustiquement, qui permet aux intervenants de dialoguer à voix basse : concentration maximale !

La photothérapie et le bien-être cérébral

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Ce n’est pas un scoop : un juste dosage de la lumière est nécessaire pour la santé cérébrale, a fortiori dans des espaces d’apprentissage. Les règles générales sont déjà connues : prioriser l’éclairage naturel, éviter l’éblouissement et combiner quantité et qualité de luminosité. Globalement, selon une étude de la Northwestern University datant de 2013, être exposé à la lumière naturelle favorise la productivité et le sommeil. Au Silex, justement, la triple exposition des espaces améliore forcément le confort visuel. Et pour aller encore plus loin, « il faut désormais tester la juste fréquence des néons et mesurer leur impact cognitif », se réjouit Stéphane Parisot.

L’odostorming, partenaire olfactif et créatif

Autre sens à prendre en compte, mais pas forcément celui auquel on pense en premier : l’odorat. Si l’aromathérapie a déjà fait ses preuves en médecine, ou même en agence bancaire ( !), elle n’a encore jamais été vraiment intégrée à la réflexion sur les espaces pédagogiques. Pourtant, en mobilisant les souvenirs, à la manière de la trop fameuse Madeleine de Proust, ou en favorisant la déconctraction du cerveau, certaines odeurs peuvent développer notre créativité. « Les effluves d’orange, de citron ou de vanille ont dékà montré leur efficacité » relève Stéphane Parisot. Reste encore à mettre cette option en pratique.

La couleur ne distrait pas le spectateur

La citation attribuée au réalisateur Jacques Tati est restée célèbre : « Trop de couleur distrait le spectateur.» Peut-être, mais comme la démontré une étude de l’université d’Austin, la couleur des murs d’un bureau ou d’une salle de classe a des incidences sur l’humeur et la productivité. Si le bleu peut stimuler la créativité, le rouge la productivité et le vert la sérénité, aucune conclusion définitive ne peut encore être tirée, puisque ces perceptions changent non seulement entre les individus, mais aussi entre les sexes. Mais si les couleurs peuvent également contribuer au bien-être général, il est n’est pas négligeable d’arrêter de penser l’école en noir et blanc. Encore une fois : sortir de sa zone de confort.