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Témoignage Executive MBA : Un Learning Trip en Allemagne réussi
30 AOÛT 2019
Par Wilfried Aubrun, participant à emlyon business school, parcours SMEs du programme EMBA.
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Lors du choix du Maker’s Bridge – Parcours SME, il était curieux de découvrir que notre Learning Trip aurait lieu en Allemagne.
Pourquoi un tel choix de la part du corps enseignant ? Quels sont les enseignements et découvertes que nous pourrions faire en Allemagne, un pays que nous pensons connaître si bien ?
Toutes ces questions ont animé nos discussions préalables au Learning Trip et ont nourri de longs débats, sûrs que nous étions de bien connaître l’Allemagne et son économie.
Lorsque nous avons eu enfin accès au programme détaillé de notre Learning Trip, nous avons tous compris ce qui nous conduisait à nous rendre en Allemagne : la découverte du Mittelstand, si ressemblant à nos PME nationales mais si différent par son approche économique et sociale. Il est important de noter que notre groupe était composé de personnes ayant un historique très différent avec l’Allemagne et les Allemands.
Certains d’entre-nous avaient déjà énormément travaillé avec l’Allemagne, réalisant des projets industriels en commun avec des acteurs allemands, certains s’étaient déjà rendus à de nombreuses reprises en Bade-Wurtemberg en vacances ou dans un cadre professionnel, quand d’autres découvraient l’Allemagne pour la première fois. Certains comprenaient l’Allemand, d’autres non.
Nous partions donc en voyage scolaire d’apprentissage, car c’est bien de cela dont nous parlons ici, avec un panel éclectique augurant de nombreuses découvertes, des étonnements et des rires.
Notre conception de l’économie allemande, basée principalement sur des idées répandues en France et internationalement, reposait sur quelques caractéristiques bien connues mais a posteriori très réductrices : Deutsch Qualität, la rigueur, le sérieux et l’organisation sans faille du système. C’est avec cette vision formatée de l’Allemagne que nous avons débuté notre Learning Trip.
Un premier éclairage fut apporté lors de nos premiers séminaires à Esslingen.
Ceux-ci ayant pour objectif premier de nous fournir à tous une connaissance réaliste et plus juste de l’histoire allemande, une meilleure compréhension des valeurs intrinsèques à la culture allemande, un aperçu sur les principales différences culturelles entre nos deux pays et enfin une description des spécificités du Mittelstand.
Nous commencions dès lors à mieux comprendre tout l’intérêt pour des futurs dirigeants de PME tels que nous de découvrir ce que représente le Mittelstand en découvrant certains d’entre eux lors de plusieurs visites et ainsi mieux comprendre l’importance que ces structures ont dans le tissu économique et local allemand.
À ces préjugés, venait s’ajouter notre vision de la PME qui apparaissait aussi comme très formatée par les caractéristiques que nous utilisons en France pour décrire nos PME : un nombre de salariés compris entre 10 et 250, et un chiffre d'affaires (CA) annuel ne dépasse pas les 50 millions d'euros. Après ce premier jour, nous comprenions très vite que les critères utilisés pour qualifier le Mittelstand et ces caractéristiques étaient d’une toute autre nature.
L’organisation millimétrée de notre Learning Trip nous a conduit à rencontrer des représentants de Mittelstand pour échanger sur des questions clés - et parfois polémiques il est vrai - que nous avions préparées, découvrir leurs installations pour ensuite rencontrer des acteurs de l’éducation à l’Université des Sciences Appliquées de Stuttgart, des acteurs de l’innovation et de la recherche fondamentale – le Fraunhofer Institut sur le campus de l’Université de Stuttgart et finir par une rencontre avec des acteurs du secteur financier en échangeant avec le pôle Private Equity de cet organisme.
À l’issue de l’ensemble de ces rencontres et de nos visites, il est évident que le tissu économique allemand et le Mittelstand emportent les caractéristiques suivantes :
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Gouvernance et capital : des entreprises familiales indépendantes non cotées
La majorité des Mittelstand sont familiales, encore aux mains de la famille fondatrice. Nous avons pu le constater par des exemples comme Heinrich Schmid ou Bizerba.
Du point de vue de la gouvernance, ce leader issu d’une grande lignée d’entrepreneurs incarne l’histoire de l’entreprise et porte avec lui la responsabilité de poursuivre et rendre pérenne l’œuvre de ces aïeux. Cette responsabilité impose au leader du Mittelstand une prise de décision cohérente et le souci d’une transmission de cet outil formidable, cet héritage dans les meilleures conditions.
L’indépendance capitalistique donne en outre à ces entreprises une grande liberté dans les orientations stratégiques et dans la politique d’investissement qui est adoptée.
Des stratégies orientées long-terme avec une orientation sociétale très marquée. En découvrant les orientations stratégiques données au Mittelstand et en comprenant les politiques de développement, il était évident pour nous que les entreprises du Mittelstand s’inscrivent dans une perspective long terme, de développement durable où les bénéfices réalisés sont réinvestis pour financer la croissance de l’entreprise, la formation des futurs employés ou encore moderniser l’outil industriel.
Ce taux très élevé d’autofinancement permet aux Mittelstand de conserver une indépendance financière très forte qui apporte une convergence entre la croissance de l’entreprise et le développement du patrimoine de la famille propriétaire. L’effort collectif, le respect de la parole donnée et la poursuite d’un objectif commun apparaissent comme des valeurs omniprésentes dans les entreprises que nous avons visitées. Le goût de la performance, l’amour du travail bien fait et le respect humain qui sont perçues comme des traits caractéristiques de l’entreprise allemande se retrouvent aussi dans l’esprit Mittelstand.
D’un point de vue sociétal, un des grands enseignements de notre Learning trip réside dans la découverte du lien très étroit qui existe entre éducation, formation et entreprise. Le savoir-faire et les qualités professionnelles étant considérées comme gages de compétence dans l’entreprise allemande, le Mittelstand s’investit dans la formation des jeunes générations afin d’intégrer les apprentis le plus tôt possible dans l’entreprise, permettant ainsi de cultiver très tôt un fort sentiment de lien à l’entreprise et de garantir à l’entreprise l’intégration de ressources humaines formées aux spécificités du secteur d’activité concerné.
Un exemple très parlant peut être évoqué ici lors de notre visite des locaux et du site de production du groupe Bizerba basé à Balingen.
Après deux heures de présentation par les responsables des services concernés, nous avons été invités à découvrir les outils de production de l’entreprise et les différentes étapes de fabrication de leurs produits. Tous coutumiers du fait, nous nous attendions à ce que cette visite soit menée par le directeur de la production ou par un membre de l’encadrement. Nous étions loin de la réalité puisqu’un groupe de jeunes apprentis, ayant tous moins de 20 ans, se sont présentés et ont mené l’intégralité de la visite. Nous étions tous bluffés par leur connaissance des flux, des étapes de fabrication ou d’expédition, de la technologie utilisée, tout autant que par la fierté qui se dégageait d’eux lorsqu’ils évoquaient l’histoire et l’avenir de Bizerba.
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L’importance de l’écosystème, de l’ancrage local et du rapport de confiance liant ses différents acteursÂ
Le concept d'écosystème d'affaire issu de l'analyse stratégique des entreprises prend tout son sens lorsque nous observons la manière dont le Mittelstand développe et nourrit un rapport de confiance avec les différents acteurs qui composent son environnement d’affaires dans une perspective de pérennité et de croissance pour l’ensemble de ses membres.
Les rapports de confiance que le Mittelstand entretient avec ses partenaires financiers, notamment sa Hausbank, se démarque dans un monde où la confiance des organismes bancaires et les acteurs du financement est bâtie sur des garanties bancaires et des suretés bien connues des entrepreneurs et chef d’entreprises français comme les hypothèques. En effet, les notions de confiance et de construction d’un partenariat sur le long terme s’expriment aussi dans les relations construites entre les différents partenaires du Mittelstand, partenaires sociaux, branches professionnelles et les collectivités locales. Nous avons pu enfin constater que la décentralisation, contrairement au modèle français, combinée à un ancrage territorial très fort ne sont pas incompatibles avec une ouverture internationale dans la mondialisation pour laquelle les entreprises du Mittelstand ont su profiter de leur expertise pour devenir leader dans des marchés de niche.
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  L’innovation et l’exportation portées par un effort commuÂ
Nous avons pu comprendre que les axes clés de développement du Mittelstand sont aussi portés par un effort commun. Notre visite de l’institut Fraunhofer nous a permis de mieux cerner, au-delà du partenariat, l’imbrication qui existe entre la recherche, l’innovation industrielle et le développement de nouvelles offres de produits ou services par les entreprises allemandes. Bien que chaque situation soit très spécifique, il fut très instructif de comprendre la manière dont les entreprises allemandes et les Fraunhofer Institut peuvent mettre en commun leurs ressources et leurs compétences dans la perspective de développer une solution bénéficiant à chaque partenaire.
Quand une entreprise identifie une innovation potentielle ou rencontre un problème industriel ou technique qu’elle souhaite résoudre mais ne dispose pas des ressources ou des compétences nécessaires, l’entreprise peut contacter un Institut Fraunhofer, pour réfléchir ensemble à l’approche idoine permettant à l’entreprise de développer les solutions nécessaires. L’imbrication est si importante que les équipes R&D de l’entreprise peuvent être accueillies au sein du Fraunhofer pour développer leurs compétences.
Une nouvelle fois l’idée d’effort collectif dans un esprit d’adaptation aux réalités du marché apparait comme une caractéristique du tissu économique allemand. L’approche de l’exportation revêt tout autant un caractère collectif. En effet, la création de "clusters" nationaux permet aux entreprises d’aborder l’urgence de développement des exportations dans un esprit de collaboration entre acteurs puisque ces initiatives de mise en commun des ressources et connaissances bénéficient du support de l'ensemble des services de l'Etat.
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Une réelle prise de conscience des limites existantes
Il était extrêmement intéressant de constater que nos interlocuteurs du monde économique, financier et universitaire étaient très conscients des difficultés que l’Allemagne sera amenée à rencontrer dans les prochaines années. Ledéfi démographique notamment qui conduit les entreprises allemandes à s’ouvrir à la main d’œuvre étrangère et à prendre conscience de la nécessité de faciliter l’intégration et l’éducation des populations ayant migré vers l’Allemagne durant les 15 dernières années.
La question de la place de la femme dans l’entreprise allemande et dans le monde économique a été discuté à de nombreuses reprises et nous avons pu constater que la notion de parité impose à la population allemande à s’interroger sur le modèle familial tel que celui-ci était connu en Allemagne, tout autant que le système d’accueil des enfants en dessous de 6 ans qui est encore aujourd’hui dans certains Landers à l’état de balbutiements.
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Conclusion
Au-delà de l’analyse strictement économique et culturelle que j’ai pu livrer ici, il me semble important de mettre en avant les notions d’hospitalité, de simplicité et d’implication que nous avons ressenti tous lors de toutes nos visites. Nous n’étions pourtant qu’un groupe d’étudiants, quelque peu âgés certes, mais nous avons été accueillis avec la plus grande attention, un grand professionnalisme et un sentiment très fort de partage.
Au-delà des spécificités du Mittelstand, il est évident que ces valeurs de proximité, de confiance et de collaboration donnent au Mittelstand une base humaine et relationnelle solide pour construire et développer dans un monde où la technologie viendra par moment remettre en question la place que l’Homme occupe dans l’industrie.
Wilfried AUBRON, Corporate & Legal Counsel EMEA GBS - Procurement at Rio Tinto
Avril 2019
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