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Quand l'individualisme nous échappe, le collectif doit renaître
08 MARS 2016
Le cerveau est un système réticulaire obéissant aux lois de la complexité. L'intelligence organisationnelle consiste à réunir les cerveaux en un super système réticulaire... selon trois dimensions : l'apprentissage, l'action et le (bien-)être collectif. Par Dominique Schmauch*, ingénieur agronome, mathématicien et psychanalyste, en amont des prochains Défis du dirigeant, "Stimulez l'intelligence collective de votre entreprise", programmés le vendredi 18 mars prochain, avec EMLYON Business School.Â
L'invention occidentale de l'individualisme toucherait-elle à sa fin ? Michel Foucault n'est malheureusement plus au Collège de France pour écrire la suite de L'herméneutique du sujet, livre dans lequel il décrit les moyens que l'homme a mis en œuvre depuis les origines, pour advenir et conquérir son indépendance de penseur au-delà des dieux, du religieux et des dogmes politiques.
"Je", à savoir le sujet, avait atteint avec la modernité et avec le"Je pense donc je suis" de Descartes des hauteurs alpines puis himalayennes avec l'avènement des sciences sociales. Après la conclusion post-moderne de Jacques Lacan : "Je pense où je ne suis pas, donc je suis où je ne pense pas", l'individu, perdu au milieu du le champ d'une autonomie qui lui échappe, tente de se retrouver dans une anomie réticulaire. C'est le groupe qui devient sujet de vérité. Les politiques en font l'amère expérience tous les jours.
Ni Michel Foucault ni Jacques Lacan n'ont vécu le tsunami 2.0 qui a transformé le monde en un vaste ensemble d'interactions donnant ainsi naissance à une immense organisation réticulaire "mondiale" qui semble annoncer la fin des États, comme l'imprimerie fût concomitante de la fin des empires.
L'individualisme, la conscience de soi, s'est développé conjointement, après les lumières, avec un discours sur les capacités cognitives de l'individu. Ces capacités ont donné lieu à une accélération sans précédent de l'innovation et ont permis à l'homme d'inventer un nouveau système d'interactions qui conjugue l'instantanéité et l'infini : le "peer to peer". Parmi les conséquences de cette révolution il faut noter que :
- la masse des connaissances humaines double actuellement tous les deux ans !
- chacun d'entre nous peut en une fraction de seconde accéder à des masses considérables d'informations.
Face à deux impossibles
Ce "0*∞" (on notera que, dans la théorie des limites, ce cas est indéterminé) confronte l'esprit humains à deux impossibles.
- Le premier est d'embrasser cet instantanéité et cette infinité d'informations. Cela suppose, au minimum, d'utiliser des outils de métacognition pour se représenter, par exemple, les dynamiques en œuvre sur le web.
- Le second est relatif à la vitesse d'innovation. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité depuis l'apprentissage et la généralisation du langage qui a demandé quelques dizaines de milliers d'années, puis de l'écriture (quelques milliers d'années), puis de l'imprimerie (quelques centaines d'années), l'hyper-textualisation, en quelques dizaines d'années, entraîne une capacité d'innovation plus rapide que la capacité d'adaptation de la plasticité cérébrale.
Face à ces deux impossibles, le monde occidental n'a pas d'autres choix que de retrouver le chemin de l'intelligence organisationnelle. Ceci nécessite une transformation radicale de nos organisations, entreprises, associations afin qu'elles puissent se doter des moyens d'exister dans un monde aujourd'hui dominé par les géants (américains) du web.
Le cerveau étant lui-même un système réticulaire obéissant aux lois de la complexité, l'intelligence organisationnelle consiste à réunir les cerveaux en un super système réticulaire... selon trois dimensions : l'apprentissage, l'action et le (bien-)être collectif.
Apprentissage collectif
Toutes les approches convergent pour démontrer que l'apprentissage collectif est plus efficace que l'apprentissage individuel : on notera cependant que selon l'institut Montaigne, la plupart des personnes arrivent en faculté en ayant passé, dans les cycles précédents, plus de 80% de leur temps à écouter un enseignant devant un tableau ...
Il existe, chez les militaires essentiellement, une philosophie de l'action mais essentiellement dans un sens conjoncturel fondé sur une coopération, parfois une collaboration. Mais cette approche, collective, ne couvre pas l'intelligence organisationnelle.
L'être collectif, l'être organisationnel devrait-on dire, est la diffraction du souci de soi (là encore au sens de Foucault) dans l'organisation dont la partie émergente est ce que les anglo-saxons nomment la "collective mood". Jusqu'à présent, l'organisation contraignait les individus, il convient que ce soit les individus qui façonnent l'organisation.
* Dirigeant d'entreprise (notamment dans le domaine aéronautique), passionné de pédagogie, Dominique Schmauch a publié Modèle d'organisation (Village Mondial) en 2002 et Les conditions du Leadership (L'Harmattan) en 2005. Il travaille actuellement sur les modalités d'apprentissage en 3.0.
Vous aussi, participez au débat. Soumettez vos questions en commentaires.
Elles seront abordées lors de la conférence "Stimulez l'intelligence collective de votre entreprise", programmée le vendredi 18 mars par Acteurs de l'économie-La Tribune et EMLYON, dans le cadre du cycle "Les Défis du dirigeant".