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Parcours Yves Charles - Fondateur d'Avioneo
16 JANVIER 2019
Avant même que les gilets jaunes ne mettent sur la table les notions, a priori difficilement compatibles, de fin du monde et de fin du mois, Yves Charles avait déjà réfléchi à une manière de les concilier. Et ce à l’aide d’un engin volant qui n’est pour l’heure qu’un prototype mais qui, aux yeux de ce passionné d’aviation, ambitionne de « réinventer la mobilité sobre et efficiente pour tous, pour aller partout, en sécurité, en préservant notre planète ». Yves Charles a implanté sa start-up, Avionéo 2345, sur l’ex-base aérienne de Dijon-Longvic. Pour l’heure, l’engin n’existe que sous la forme d’une maquette à l’échelle 1/3 et le numéro 2345 accolé au nom de la société a une signification propre: 2 fois plus d’autonomie, 3 fois plus propre, 4 fois plus économique et 5 fois plus rapide. Technologique, industriel, le défi que s’est posé Yves Charles est aussi sociétal. Notre homme est parti du constat que l’énorme quantité de véhicules aujourd’hui en circulation dans le monde est à la fois inutilement suréquipée et utilisée seulement 5 % du temps par 1,3 personne, à une vitesse moyenne de 30 km/h. En clair, la majeure partie du temps, nos voitures dorment sur des parkings et prennent de la place, en toute inutilité. Le fondateur d’Avionéo 2345 a parfaitement inclus dans sa réflexion le fait que, de plus en plus, la notion d’usage, face à celle de possession, allait devoir s’imposer à nous, car nous ne pouvons continuer sur ce chemin éternellement. L’aéronef qu’il a conçu avec son équipe adopte une technologie hybride et devra décoller et atterir verticalement. « En fait, précise son concepteur, nous voulons concilier la vitesse de l’avion et le côté pratique de l’hélicoptère, nécessitant peu d’infrastructures et avec une faible empreinte environnementale ».
L’appareil pourrait embarquer trois passagers. Son pilotage, dans un premier temps assuré par un pilote professionnel, pourrait progressivement être assisté d’un robot avant de devenir totalement autonome. « Notre cible, poursuit Yves Charles, c’est le marché de la mobilité extra-urbaine avec un positionnement prix et empreinte environnementale au kilomètre le plus bas du marché ». Le projet Avionéo est l’un des 150 du même type recensés aujourd’hui dans le monde. « Nous voulons mettre sur le marché un service de partage de smart Electric vertical take off and landing (eVTOL ou appareil électrique à décollage et atterrissage vertical). Un taxi volant, accessible à tous, disponible à la demande avec une application mobile ». Il faut dire que le contexte évolue aujourd’hui autour de ce type de concept : la start-up allemande Lilium Jet a levé 100 millions de dollars (86,7 millions d’euros) avec son prototype et la société américaine Uber a publié un livre blanc afin de stimuler les constructeurs et l’écosystème, et investi en France, terre de bons ingénieurs aéronautiques. Le petit garçon qu’était Yves Charles et qui est monté, à l’âge de 3 ans sur l’aile d’un avion, pour ne jamais en redescendre complètement, était loin alors d’imaginer où tout ça le mènerait. « Je suis,dit-il, le produit de la tradition aéronautique qui existe en Bourgogne depuis longtemps, aux côtés des avions Jodel ou Robin. Je suis monté sur l’aile d’un avion alors que j’étais petit enfant, dans un aéro-club près de Fontaine-Française, où mon père a pris des cours de vol. J’ai commencé très tôt à dessiner des avions, à avoir envie de piloter. Mon premier but, c’était de devenir pilote de chasse ». Un fémur trop long de... trois millimètres en décidera autrement. Yves Charles était trop grand pour s’éjecter, si besoin était, de son avion. Entretemps, il s’était lancé dans des études de mécanique et a ensuite effectué son service militaire dans l’armée de l’air et fait une école d’officiers de réserve.
Son parcours professionnel débute pourtant dans un secteur très différent, celui de la communication, pour lequel il crée, en 1997 une structure qu’il appelle Studio Léonard. Il conçoit alors de nombreux sites internet.
"En passant près de l’aérodrome de Darois, j’ai vu des planeurs décoller et je me suis dis “Ta passion, la voilà, et tu passes à côté !”
GRAVE ACCIDENT
Au début des années 2000, il monte à Paris et poursuit sa carrière dans un internet en pleine bulle spéculative. En 2005, il rejoint la société Plazur, créée par son père à Issur- Tille en 1992 (aujourd’hui implantée à Chenôve), qui fabrique et commercialise des conteneurs pour déchets d’activités de soins à risque infectieux. Une entreprise qui, alors que l’idée n’était pas encore dans l’air du temps, réfléchissait déjà au recyclage et à la préservation de l’environnement. Yves Charles en a conservé un intérêt particulier pour ces notions. C’est également à cette période qu’il devient spécialiste de la robotique et acquiert une dimension d’industrielle. Une rupture intervient à l’été 2006 : il est alors victime d’un grave accident de moto. Son tempérament, sa volonté et sa condition physique lui permettent malgré tout de se remettre sur pied. « À ce moment, on prend conscience que la vie va très vite, qu’elle peut très vite changer. .Il s’inscrit donc au centre de vol à voile de Dijon, s’achète un ULM, décide en fait de rattraper le temps perdu. Il totalise aujourd’hui un millier d’heures de vol, il a suivi des stages de conception d’avion et, dix ans durant, germe en lui l’idée de lier ses compétence d’industriel, de communication, sa passion pour l’aviation et son souci de préserver la planète. Avionéo est le résultat de cette lente maturation et son concepteur est conscient qu’une idée, aussi bonne soit-elle, n’est rien si elle n’épouse pas l’air du temps. Il lui faut aussi le bon moment et Yves Charles estime qu’aujourd’hui, nous sommes dans ce bon moment. « Je pense qu’ajourd’hui, nous sommes parvenus à la fin d’une époque où nous avons consommé de l’énergie comme des enfants gâtés. Il faut changer notre approche ». Son projet, énorme, en est aujourd’hui à la phase de preuve de concept, avant une phase de démonstrateur à l’échelle 1 permettant de prouver que sur un plan énergétique, cet appareil est plus performant que ceux qui émergent actuellement de par le monde. « Il y aura ensuite une phase de prototype d’usine, avant une arrivée sur le marché, à une échelle globale ». Diplômé de l’EM Lyon Business School en mars dernier, il a rapidement implanté sa start-up dans un hangar de l’ancienne base aérienne BA 102. Le prototype de l’appareil, à l’échelle 1/3 a été réalisé par un partenaire situé à Biarritz. Les premier vols pourraient intervenir d’ici le milieu de l’année. S’ensuivra la mise en place d’une stratégie financière pour soutenir le projet. « Tout va se jouer sur notre capacité à fédérer des industriels, à attirer des talents... ».