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La transformation digitale : un “choc culturel”
17 OCTOBRE 2016
Article écrit par Nicolas Rousseau
Mesurer l’impact du digital sur l’entreprise. Tel fut l’objet de la conférence-débat organisée par Altedia, en collaboration avec emlyon business school et le magazine Acteurs de l’économie-La Tribune, le 10 octobre. Où l’on a constaté que la transformation numérique exponentielle de l’économie demeurait encore faiblement anticipée par les entreprises traditionnelles. Alors même que nous entrons dans une ère d'intelligence connectée qui verra fleurir des métiers inédits, de nouveaux types d'emplois et d'activités, des façons innovantes de créer de la valeur au sein d'écosystèmes différents.
Dans 10 ans, plus d'un métier sur deux exercé aujourd'hui aura disparu du paysage professionnel, prévient d'emblée Pierre Beretti, Président directeur général d'Altedia LHH et co-auteur de l'ouvrage Homo Numericus au travail (éd. Economica).
Ce 10 octobre, il était l'invité d'une conférence-débat initiée par par Altedia, en collaboration avec emlyon business school et le magazine Acteurs de l'économie-La Tribune, aux côtés de Pierre-Yves Gomez, Professeur de stratégie à emlyon business school et directeur de l'Institut Français de Gouvernement des Entreprises, Elisabeth Le Gac, Secrétaire générale CFDT Auvergne-Rhône-Alpes, Patrick Martin, Président du Directoire du Groupe Martin Belaysoud Expansion, et Jean-Christophe Menz, Directeur général associé Food and You. Ensemble, ils ont tenté de mesurer l'impact du numérique sur la transformation des organisations.
"Cette transformation est exponentielle, constate encore Pierre Beretti. Pourtant, et paradoxalement, elle demeure faiblement anticipée par les entreprises traditionnelles. De même, leurs collaborateurs y sont insuffisamment préparés."
Pour Pierre-Yves Gomez, ce bouleversement digital a un impact direct sur les chaînes de création de valeur, qui s'émancipent des organisations traditionnelles. La transformation numérique touche d'après lui tous les pans de la société. C'est donc bien à une mutation sociétale à laquelle nous assistons.
"Le numérique impacte tout autant les organisations que ses composantes humaines, le rejoint Patrick Martin. L'irruption du numérique provoque un véritable choc culturel dans les métiers traditionnels."
Aussi, souligne Pierre Beretti, "la transformation numérique nécessite-t-elle un accompagnement", notamment des high managers, contraints d'inventer de nouvelles formes de travail.
- Organisation du travail
Pour Elisabeth Le Gal, "aucun secteur professionnel n'échappe à la transformation numérique". Aussi questionne-t-elle la problématique des métiers, des compétences et de l'évolution professionnelle. "L'évolution des emplois et l'organisation même du travail doit être entièrement repensée à l'aune de la mutation digitale."
Une mutation que n'a pas eue à entamer Jean-Christophe Menz, lors même que Food and You s'appuie sur et déploie les principes de l'économie numérique, utilisant notamment les réseaux sociaux et le système de communautés pour créer de la valeur. "De manière presque innée", souligne Pierre-Yves Gomez qui relève par ailleurs que le numérique invite à une forme de désorganisation et à de nouvelles formes de collaboration.
"Le numérique appelle à repenser les modes d'organisation et à inventer de nouveaux espaces de diffusion des savoirs et de l'information. Cela dit, nous aurons toujours besoin de managers pour interpréter cette information et les modes de productions demeureront normés".
Pierre Beretti insiste : "En dépit de l'irruption du digital dans les organisations, un manager continuera de devoir décider, staffer et projeter."
Et de prévenir : "Méfions-nous des emballements : il est peu probable que le fonctionnement traditionnel de l'entreprise soit complètement remis à plat."
- Recrutement et salariat
Néanmoins, la transformation digitale des organisations, parce qu'elle transforme les organisations et les métiers, a une incidence sur les modes de recrutement et la gestion des compétences. Elisabeth Le Gac, sans vouloir présager de la fin du salariat, invite à interroger "les modes de subordination dans un contexte d'émergence de nouvelles formes d'emplois (autoentreprise, uberisation, portage salarial, etc.)".
"Les liens traditionnels de subordination tendent à s'estomper tandis que le lien économique subsiste", indique-t-elle.
Le rapport au travail s'en trouve bouleversé. Ainsi atteste Jean-Christophe Menz, "l'activité même de Food and You est pour l'instant incompatible avec le salariat classique", même s'il n'exclut pas et espère même recourir au salariat dans une seconde phase de développement de l'entreprise.
"Le salariat vise d'abord et avant tout à fidéliser le salarié et ses compétences. Il n'est donc pas voué à disparaître, le seul moyen pour une entreprise de conserver une compétence en son sein demeurant le contrat de travail", tempère lui aussi Pierre-Yves Gomez.
- Droit à la déconnexion
Un contrat de travail qui impose des devoirs au salarié mais qui vise aussi à lui garantir des droits. Notamment le droit à la déconnexion, "problème qui se pose à toutes les entreprises, dans tous les secteurs économiques", établit PIerre Beretti, qui néanmoins prévient :"Aucune loi ne peut venir résoudre cette problématique qui implique une discipline personnelle et une appropriation individuelle".
D'autant que "grâce ou à cause du numérique, une part du travail rémunéré est aujourd'hui consacrée à des activités privées", constate, pragmatique, Patrick Martin, qui en appelle à la mise en place de chartes de bonne conduite digitale au sein des entreprises.
"Ce droit à la déconnexion est impératif, au risque de mettre en péril la productivité de ses collaborateurs et sa propre productivité", met en garde Jean-Christophe Menz.
Et Elisabeth Le Gac de rappeler qu'en dépit d'une digitalisation exponentielle, "le monde du travail a besoin de régulation. Il est essentiel de contrôler la porosité des temps de vie, personnel et professionnel". Il est urgent de "parvenir à se manager et à se ménager", intime Pierre Beretti, invitant, en conclusion, à "préserver l'équilibre vie/travail".